Guerre des sexes ou rééquilibrage ?
Par Valérie Tandeau de Marsac, avocate, fondatrice et présidente de Vox Femina
Il y a dix ans était publiée la première étude française sur l’image des femmes dans les médias.
Témoins de la vie quotidienne, faire-valoir de la parole masculine, « ombres chinoises » désignées par leur seul prénom, les femmes représentaient moins de 18% des experts présents dans les médias. L’étude révélait ainsi une représentation médiatique des femmes lourdement marquée par les stéréotypes de genre. C’est ce qui m’avait donné l’idée de créer l’association voxfemina, paroles d’experts au féminin. Pour identifier des femmes crédibles comme expertes, et faire entendre leur voix dans les médias, mais aussi pour sensibiliser le public, médias et entreprises, à ce levier d’action en faveur d’un meilleur équilibre femmes-hommes dans la société.
Dix ans plus tard, le sujet de la visibilité a certes pris de l’importance dans les médias, mais les chiffres n’ont malheureusement pas beaucoup bougé. Plateaux de télévision et tables rondes professionnelles restent majoritairement et désespérément gris et bleu marine …
Ces résistances au changement démontrent à quel point notre société reste encore marquée par un principe de séparation des pouvoirs fondé sur le sexe : sphère du pouvoir féminin, qui se déploie dans le domestique, l’éducation, le soin aux autres, l’intériorité en général … Sphère du pouvoir masculin, qui se déploie sur la place publique et domine à la fois l’économie et la politique.
Ce marquage est largement inconscient, ce qui le rend d’autant plus pernicieux. Et comme les avancées objectives en faveur des droits des femmes sont réelles, nous avons l’illusion que la question est résolue depuis longtemps… Pourtant, cette frontière invisible façonne notre réalité sans même que nous en ayons conscience. Elle pèse non seulement sur les femmes, qui peinent à se dégager de l’auto-censure à laquelle l’air ambiant les a accoutumées, mais aussi sur les hommes, habitués à discréditer leur parole.
Je crains que le durcissement actuel des débats sur la guerre des sexes n’ait un effet pervers, inverse de celui escompté. A trop vouloir légiférer pour protéger les femmes, le risque est de les enfermer dans un rôle d’éternelles victimes dont elles pourront d’autant moins s’extraire que les hommes auront, quant à eux, été réduits au rôle d’éternels bourreaux. Que les médias ou le législateur se posent en sauveurs ne permettra malheureusement pas de sortir de cet engrenage infernal du triangle bourreau-victime-sauveur, dont l’étau risque au contraire de se resserrer un peu plus sur les trois protagonistes.
La solution me semble être ailleurs. Que la clarté soit faite sur les situations abusives, c’est bien sûr absolument nécessaire. Mais le but de cette prise de conscience doit, à mon avis, être de dessiner un nouveau chemin, qui passe par l’engagement de tous, hommes et femmes, vers un meilleur équilibre. Dans ce contexte, le rôle des médias est important. A condition de ne pas seulement relater le sensationnel qui fascine la part obscure de l’âme humaine, mais de montrer la possibilité d’une réalité nouvelle, fondée sur une représentation plus fidèle du rôle que les femmes jouent dans la société de 2018.
Pour cela, il faut leur tendre un miroir qui ne soit pas déformant, et reflète la multiplicité des rôles dans lesquels elles sont aujourd’hui crédibles, y compris comme expertes !
C’est ce à quoi voxfemina continuera à s’employer, en renouvelant, saison après saison, son concours Femmes En Vue, qui prend appui sur les réseaux sociaux pour proposer aux femmes qui s’estiment crédibles comme expertes de se porter candidates au moyen d’un « selfie » de 90 secondes expliquant pourquoi elles estiment être crédibles et dans quels domaines elles pensent que les médias devraient les interroger. Les 24 lauréates désignées par le jury composé avec nos partenaires [les citer ?] se voient offrir la possibilité de faire une journée de média-training chez TF1, à l’issue de laquelle elles repartent avec une vidéo tournée en conditions réelles qui constitue la signature audiovisuelle de leur expertise pour diffusion sur les réseaux sociaux.
Nous contribuerons ainsi à « casser » les stéréotypes en proposant de nouvelles figures d’identification féminines.