Frédérique Bedos, journaliste, réalisatrice, fondatrice de l’ONG Le Projet Imagine

Chez Voxfemina, nous sommes convaincues que la visibilité des femmes dans les médias est cruciale pour rétablir l’équilibre entre les sexes. Qu’en penses-tu ?

Il est essentiel de reconnaître le pouvoir des médias et l’impact des images. C’est pourquoi j’ai fondé cette ONG. La représentation des femmes dans l’espace médiatique est primordiale. Il est vital que leur voix s’exprime sur tous les sujets, car leur perspective mérite d’être entendue. L’exposition des femmes et des modèles inspirants légitime les jeunes filles à revendiquer leur place et à contribuer à un rééquilibrage des relations entre hommes et femmes.

N’oublions pas que les médias sont un outil puissant, capable d’amplifier les messages. Une présence médiatique peut toucher des milliers de personnes. Il est impératif que nous nous saisissions de toutes les opportunités, même si cela ne constitue pas une solution miracle. Cette lutte est un engagement à long terme, et nous devons rester à la fois lucides et ambitieuses. La vague #MeToo a ouvert une brèche sur la condition des femmes. Il a mis un coup de projecteur sur une société qui abuse des êtres vulnérables, femmes et aussi enfants. 

Malgré #MeToo, nous constatons qu’il reste encore du chemin à parcourir pour instaurer une véritable sororité. Contrairement aux hommes qui cultivent la fraternité et se soutiennent mutuellement, comme on le voit actuellement aux États-Unis, nous avons du retard à rattraper. Soyons vigilantes, car les outils et les avancées que nous avons mis en place peuvent être menacés à tout moment.

Il y a près de 15 ans, tu as fondé « Le Projet Imagine ». Quelle est ta motivation pour nous inciter à agir et quels objectifs souhaites-tu atteindre ?

Lorsque j’étais enfant, j’accompagnais souvent ma maman le soir dans les bars où elle vendait des fleurs. Je me souviens d’elle, les bras chargés de bouquets de roses, chaque tige lisse et délicate. Ma mère prenait soin de retirer les épines pour que chacun puisse apprécier la beauté des fleurs sans se blesser. Je crois que je poursuis en quelque sorte cette même démarche. Mon objectif est de nous sensibiliser, non pas à l’idée de « sauver » le monde, mais plutôt à celle d’en préserver la beauté.

Tes programmes sont déployés dans les établissements scolaires, les universités, et progressivement dans les entreprises, les prisons et les villes. Quel regard portes-tu sur l’éducation ?
Nous vivons dans une société schizophrène qui prône des valeurs humanistes tout en s’appuyant sur un système éducatif basé sur le contrôle continu, où chaque erreur est sanctionnée. Loin de favoriser la coopération, l’école valorise la compétition et la rivalité. Le modèle économique qui nous gouverne est belliqueux et compétitif, créant une véritable arène de gladiateurs. En réalité, nous sommes loin du vivre ensemble. Il est temps d’évoluer. Nous avons avec Le Projet Imagine, l’ambition de « revisiter le champ éducationnel » afin de s’assurer qu’il forme des citoyens à part entière, dotés des qualités et compétences qui font la richesse et la beauté de notre humanité : empathie, esprit critique, curiosité, engagement, enthousiasme, confiance, générosité, bonté…

Nous sommes encore au mois de janvier. Que nous souhaites-tu pour 2025 et les prochaines années ?

De la poésie ! Ne trouves-tu le monde trop prosaïque ? La jeunesse a besoin de nous ! Montrons-lui que nous croyons en elle et accompagnons-la sur le chemin escarpé qui mène à la maturité et à un esprit de responsabilité. Cette Aventure humaine est si noble qu’elle convoque ce qu’il y a de meilleur en nous. Par exemple notre capacité à être « virile ». Avant l’Antiquité, « viril » prenait un « e » et désignait un désir ardent de vivre. Il qualifiait un individu — homme, femme ou enfant — fort et courageux, et non dominateur ou machiste. Ce que je souhaite à Voxfemina, c’est de rester les femmes extrêmement viriles que vous êtes.

Fondée en 2010 par la journaliste Frédérique Bedos, l’ONG Le Projet Imagine vise à mobiliser les citoyens pour une société plus juste, inclusive et durable. À travers des films inspirants et des programmes d’accompagnement vers l’action, l’organisation sensibilise le public aux Objectifs de Développement Durable de l’ONU, intervenant dans les écoles, les entreprises, les villes et les prisons. Depuis 2017, elle bénéficie d’un statut consultatif spécial auprès des Nations Unies, œuvrant pour promouvoir une culture de l’engagement, du respect et de la solidarité, en somme, une culture de paix.